A partir du 30 avril 1940, Ghelderode s'installe, avec son épouse, au 71 de la rue Lefrancq à Schaerbeek. C'est dans ce rez-de-chaussée, plutôt exigu, que l'auteur accumulera une série d'objets hétéroclites : chasuble, chaise d'église, rapière, bustes et divers menus objets de pierre, masques de carnaval, miroirs, tableaux en tous genres, mannequins de grand magasin, petites effigies de bois ou de métal, etc. Trônant au milieu de tout ce bric à brac, Borax, le fier cheval de bois, authentique rescapé d'un carrousel de foire. 
Photo de droite : cabinet reconstitué de Ghelderode à la Bibliothèque Royale de Belgique. (Photo J-P Humpers.) 
Photo de gauche : Cabinet d'époque, rue Lefrancq. (Photo : provenance inconnue).
 
 
Du 1er juillet 1934 à fin juin 1937, l'auteur habite au 24, rue de la Sablonnière. Il y écrit quelques-unes de ses œuvres majeures telles que Mademoiselle Jaïre,  La Balade du Grand Macabre, La Farce des Ténébreux,  Hop Signor !, Fastes d'Enfer, etc. 
Dans une lettre qu'il adresse le 28 juin 1934 au poète Henri Vandeputte, alors directeur du casino d'Ostende, Ghelderoe écrit : "A partir du 1er juillet, je change de décor... […] Je vais percher 24 rue de la Sablonnière, dans l'enceinte de Bruxelles... J'aurai pour voisin le docteur Vésale, pas dangereux car statue... Quartier épatant, mon vieux... Songe que notre confrère Victor Hugo logea à trois mètres de chez moi, place des Barricades n° 4 !...". 
(Photo J-P Humpers © Association internat. Michel de Ghelderode)
 
Vues du jardin de la rue Lefrancq à Schaerbeek, en 1974. 
(Photo J. Courtois © d.r.- doc.AML)
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Armoiries adoptées par Michel de Ghelderode avec la devise "De tijd sal comen" [Le temps viendra]. 
(coll. Réserve précieuse, ULB)
En 1926, Michel de Ghelderode, né Adémar Martens, entame des recherches généalogiques avec l'aide de quelques amis. Le poète et journaliste anversois Willy Koninckx lui communique des informations sur les Martens de Bassevelde ainsi qu'une description des armes de cette lignée gantoise. Après de nouvelles recherches, Ghelderode rédige, à la fin de l'année 1929, une Notice généalogique sur la famille Martens de Bassevelde, et diverses autres familles apparentées. Il ne doute pas être "directement issu" du chevalier Jacques Martens, seigneur de Bassevelde, né à Gand au début du XVIe siècle, élu président du Conseil de Flandre en 1557 et nommé troisième assesseur au Conseil des Troubles en 1567, "charge qui le rendit extrêmement odieux au peuple des Pays-Bas". 
A partir de 1929, Ghelderode va demander à plusieurs de ses amis, dont Marcel Wyseur, de dessiner ou de peindre ses propres armes copiées sur celles de "son ancêtre". En août 1946, l'auteur confie à A. G. Stainforth qui vient de représenter ses armoiries : "Il m'est salutaire de relire chaque jour, dans la sourde, décevante et implacable lutte que je mène contre les autorités administratives et plus encore contre les préjugés de ce temps, cette devise mienne en son flamand d'époque : De Tijd sal comen !". 
 
(D'après Roland Beyen, Michel de Ghelderode ou la Hantise du masque, pp.53-71)
 
 
 
Borax 
 
(…) j'ai souvenir d'avoir été rechercher sous la pluie - j'étais encore tout enfant - un cheval de bois que j'avais laissé dehors. Je sentais combien ce cheval devait souffrir d'être ainsi abandonné et, dans la nuit, je suis allé à lui et je l'ai ramené à la maison, au sec. Je fus enfin soulagé et alors seulement je pus m'endormir. Quarante ans plus tard, ce cheval est revenu, l'œil clair et riait de toutes ses dents ! C'était lui, qui avait grandi, mais moi aussi, j'avais grandi ! 
 
Extrait des Entretiens d'Ostende
 
  
 
 
Borax, le cheval de bois, présent au cabinet reconstitué de Michel de Ghelderode (Bibliothèque Royale de Belgique.)
 
 
Saint Michel, marionnette du Théâtre de Toone 
(Photo BT-doc.FMG)
 
 
Toutes ces effigies, du fait de leur caractère quelque peu magique, me passionnent et, alors même que les acteurs de chair peuvent me lasser et souvent me décevoir, les marionnettes, par leur réserve native et leur imperfectible silence, me viennent consoler des cacophonies du spectacle et des folles facondes de ces impudents que sont le plus souvent les gens de la scène. 
 
Michel de Ghelderode, extrait des Entretiens d'Ostende. 
 
 
 
 
 
Michel de Ghelderode fut le premier auteur d'expression française à s'affilier à la NAVEA (Nationale Verereeniging voor Auteursrecht - Société Nationale pour le Droit d'Auteur), constituée en 1922, qui évolua après le second conflit mondial en SABAM (Société Belge des Auteurs, Compositeurs et Editeurs). 
Pour le dramaturge, il ne fut jamais question d'adhérer à une société étrangère, quels qu'aient pu être les avantages qu'on lui fît miroiter. 
La SABAM a instauré une distinction à son nom : la Plaquette "Michel de Ghelderode". Celle-ci a été notamment remise à Roland Beyen (1982), à Liliane Wouters (1985), au Théâtre de l'Esprit Frappeur (1986), au Théâtre des Zygomars (1988) et au Théâtre du Grand Midi (1992). 
 
(D'après SABAM 75. 1922-1997, édition SABAM.)
 
Diplôme de 
"Membre coopérateur de la SABAM" 
décerné à Michel de Ghelderode 
le 30 décembre 1952. 
(Coll. ULB, Réserve Précieuse)
 
 
 
 
 
Marouf 
(Photo doc. AML - d.r.) 
Mon chien Marouf 
- le dernier - que je pleure encore… 
Peu d'humains ont ces regards, 
 
Ghelderode, 1961 
 
Ils sont heureux les chiens 
ils font pipi dans la rue 
et on ne leur dit rien. 
 
Je méprise ces chiens 
c'est être heureux de rien. 
 
Encore une légende de fichue 
celle des chiens qui sont heureux 
de faire ça dans la rue. 
 
Extrait des Treize chansons de Pilou, chien par Philostène Costenoble, 1926.